Miraud Volant.mp3 (11.53 Mo)
Ce portrait, signé Georges Grard, a été publié dans le magazine L'Handispensable (numéro 12), partenaire d'Histoires Ordinaires. Renseignements et abonnement (20 € par an) sur le site de la revue.
« Mon handicap a été le plus beau cadeau que la vie m’a fait »
Né à Paris en novembre 1955, on lui détecte très tôt des problèmes de malvoyance et ses parents déménagent à Toulouse deux ans plus tard. « On leur avait "vendu" l’ASEI - l'Association pour la Sauvegarde des Enfants Invalides - comme la meilleure ! » s’amuse Patrice qui plongera très vite dans la culture « Braille ».
« Ma vision mesurable est d’un vingtième ; dans certaines conditions d’éclairement, je peux arriver à un dixième. On n’a jamais su pourquoi et cela m’a bien arrangé car les rois du scalpel n’ont pas pu intervenir. Sans faire dans la provocation, mon handicap a été le plus beau cadeau que la vie m’a fait. Je ne nie pas les difficultés mais je re-signe de suite pour la même vie ! » lance-t-il de son accent chantant du Sud-Ouest.
Il faut dire que Patrice a multiplié les expériences, les actions et les activités… Après un primaire au Centre de Lestrade de Ramonville Saint Agne dans la banlieue toulousaine, il fait ses études secondaires au lycée du Parc Saint Agne : là, il anime le mouvement lycéen en lutte contre la privatisation de l’établissement qui accueille tous les handicaps. Après avoir réussi des études de psychologie, DESS en poche, il devient au début des années 80… professeur de « braille » à l’ASEI !
« Ma vision mesurable est d’un vingtième ; dans certaines conditions d’éclairement, je peux arriver à un dixième. On n’a jamais su pourquoi et cela m’a bien arrangé car les rois du scalpel n’ont pas pu intervenir. Sans faire dans la provocation, mon handicap a été le plus beau cadeau que la vie m’a fait. Je ne nie pas les difficultés mais je re-signe de suite pour la même vie ! » lance-t-il de son accent chantant du Sud-Ouest.
Il faut dire que Patrice a multiplié les expériences, les actions et les activités… Après un primaire au Centre de Lestrade de Ramonville Saint Agne dans la banlieue toulousaine, il fait ses études secondaires au lycée du Parc Saint Agne : là, il anime le mouvement lycéen en lutte contre la privatisation de l’établissement qui accueille tous les handicaps. Après avoir réussi des études de psychologie, DESS en poche, il devient au début des années 80… professeur de « braille » à l’ASEI !
Spéléologue confirmé durant vingt ans
« C’est vrai que j’ai souvent été là où on ne m’attend pas ! » En montagne par exemple ! Ou dans les profondeurs de la terre ! Car Patrice a été durant vingt ans un spéléologue confirmé jusqu’à obtenir son diplôme d’initiateur spéléologue : « J’ai été responsable des entraînements. Tous les débutants de Haute Garonne, souligne-t-il, passaient entre mes mains durant leur formation en cavités ou sur falaises ! »
Mais dans le même temps, Patrice pratiquait l’escalade, le canoë, le VTT trial ou descente… « Ma règle est de contourner la difficulté. J’ai vécu en dehors du monde du handicap avec des gens qui me sécurisaient. Il y avait une reconnaissance des lieux de pratique. J’aime trop la vie pour la risquer bêtement ! Dans une descente VTT, on avait, par exemple, imaginé une technique de guidage qui fonctionnait bien, je passais en premier et le poursuiveur m’annonçait les difficultés, il n’y avait pas d’inversion ni de mentale à faire, juste à réagir sous peine de gamelle ! »
Mais dans le même temps, Patrice pratiquait l’escalade, le canoë, le VTT trial ou descente… « Ma règle est de contourner la difficulté. J’ai vécu en dehors du monde du handicap avec des gens qui me sécurisaient. Il y avait une reconnaissance des lieux de pratique. J’aime trop la vie pour la risquer bêtement ! Dans une descente VTT, on avait, par exemple, imaginé une technique de guidage qui fonctionnait bien, je passais en premier et le poursuiveur m’annonçait les difficultés, il n’y avait pas d’inversion ni de mentale à faire, juste à réagir sous peine de gamelle ! »
« "Tu tiens le manche ! Garde-le !" »
Patrice a également une passion d’enfance : l’aviation. « Peut-être parce que mon père avait fait son service dans l’armée de l’air… ça remonte à loin… Un jour, j’ai rencontré un ancien copain de classe qui m’a dit "Je ne suis pas étonné que tu sois dans le domaine, tu nous "bassinais" avec Saint Exupéry et consorts !"… Je n’en avais pas le souvenir ! »
En 1982, il visite un aérodrome avec sa classe et sympathise avec Yvon qui désire devenir instructeur. « Lors d’un des vols du jour, j’explore l’avion avec mes mains et il me dit : "Tu tiens le manche ! Garde-le !" C’était un rêve qui se concrétisait… Comme il devait dans le cadre de son instruction faire de nombreuses heures de vol, je les ai partagées avec lui. Et puis, il m’a conseillé d’en parler à Daniel, le chef pilote de l’aérodrome pour voir jusqu’où on pouvait aller ! »
En 1982, il visite un aérodrome avec sa classe et sympathise avec Yvon qui désire devenir instructeur. « Lors d’un des vols du jour, j’explore l’avion avec mes mains et il me dit : "Tu tiens le manche ! Garde-le !" C’était un rêve qui se concrétisait… Comme il devait dans le cadre de son instruction faire de nombreuses heures de vol, je les ai partagées avec lui. Et puis, il m’a conseillé d’en parler à Daniel, le chef pilote de l’aérodrome pour voir jusqu’où on pouvait aller ! »
La création des "Mirauds Volants"
Dans la foulée, Patrice devient membre de feue l’Amicale des Pilotes Aveugles de France (APAF). « Où j’ai foutu le bordel car je ne me reconnaissais pas dans l’aspect paternaliste de son fondateur-président qui limitait les gens à ses propres limites… » Alors Patrice va voler de ses propres ailes… « Je volais à l’Ecole Nationale d’Aviation Civile sur l’aéroclub de Toulouse-Lesbordes. Un jour, avec Daniel, on se pose à Auch et on fait la connaissance de Eric Van Royen instructeur-chef pilote à l’aéroclub des "Mousquetaires". Cette rencontre a été l’acte fondateur des "Mirauds Volants !" ».
Le 4 février 1999, l’Association Européenne des Pilotes Handicapés Visuels prend son envol officiel ! « Notre objectif était - est toujours ! - de permettre l’accès au pilotage de tout aéronef - avion, planeur, ULM…- de toute personne mal et non-voyante dans le cadre des loisirs et dans les meilleurs conditions de sécurité. » L’association sera (re)connue sous le nom des "Mirauds Volants ".
Le 4 février 1999, l’Association Européenne des Pilotes Handicapés Visuels prend son envol officiel ! « Notre objectif était - est toujours ! - de permettre l’accès au pilotage de tout aéronef - avion, planeur, ULM…- de toute personne mal et non-voyante dans le cadre des loisirs et dans les meilleurs conditions de sécurité. » L’association sera (re)connue sous le nom des "Mirauds Volants ".
« On a même échafaudé une méthode à la voix »
« Durant 2-3 ans, nous avions organisé des stages, pris des contacts, fait des rencontres, nous recevions des demandes également… A force de parcourir le ciel occitan, on a même échafaudé une méthode à la voix », explique Patrice qui, avec Eric Van Royen et Jean-Claude Laporte, un pilote privé récemment victime de cécité à la suite d’un accident de chasse, va proposer cette méthode fiable.
« Concrètement, nous avons hiérarchisé les informations de pilotage et de navigation, sélectionné ces informations et formé des co-pilotes instructeurs qui les transmettaient à la voix en vol. Cela marchait parfaitement - la méthode existe encore - jusqu’à l’appel du « Père Noël » en 2002… Un groupe d’ingénieurs-chercheurs de Thales qui connaissait notre activité nous a proposé d’élaborer un projet innovant. Neuf mois plus tard sortait le « Sound Flyer », un dispositif sonore et vocal de conduite de vol pour personnes handicapées de la vue. »
Cette première version reproduisait de façon sonore et vocale dans un casque ce que l’instructeur s’époumonait à communiquer en vol… « A nous de l’interroger, d’apprendre à s’en servir et d’utiliser bien sûr ses informations. Il serait aujourd’hui compliqué ou illusoire, au vue des certifications à obtenir, d’adapter un avion mais on peut adapter le pilote et il peut donc utiliser n’importe quel ciel, n’importe quel avion-loisirs grâce à ce dispositif. »
« Concrètement, nous avons hiérarchisé les informations de pilotage et de navigation, sélectionné ces informations et formé des co-pilotes instructeurs qui les transmettaient à la voix en vol. Cela marchait parfaitement - la méthode existe encore - jusqu’à l’appel du « Père Noël » en 2002… Un groupe d’ingénieurs-chercheurs de Thales qui connaissait notre activité nous a proposé d’élaborer un projet innovant. Neuf mois plus tard sortait le « Sound Flyer », un dispositif sonore et vocal de conduite de vol pour personnes handicapées de la vue. »
Cette première version reproduisait de façon sonore et vocale dans un casque ce que l’instructeur s’époumonait à communiquer en vol… « A nous de l’interroger, d’apprendre à s’en servir et d’utiliser bien sûr ses informations. Il serait aujourd’hui compliqué ou illusoire, au vue des certifications à obtenir, d’adapter un avion mais on peut adapter le pilote et il peut donc utiliser n’importe quel ciel, n’importe quel avion-loisirs grâce à ce dispositif. »
175 pilotes formés
Aujourd’hui, « Les Mirauds Volants » ont formé 175 pilotes et en font voler une quarantaine à l’année. « Notre action est de plus en plus reconnue. Nous avons accès à la formation du brevet de pilote privé depuis deux ans. Quatre d’entre nous l’ont d’ailleurs réussie en 2015 », se réjouit patrice Radiguet qui a été décoré le 16 janvier de la Médaille de l’Aéronautique, la plus haute distinction dans le domaine.
« Le travail au sol, c’est-à-dire la préparation du plan de vol (Ndlr : à ce titre l’association produit des cartes en braille), c’est 80% de la réussite du vol ! En vol, seules les informations transmises par le « Sound Flyer » ou le co-pilote sont à prendre en compte. Interdiction de faire confiance à ses sensation car, aveugle ou pas, nous sommes tous sujets à l’illusion sensorielle.» Patrice est intarissable et sa soif de vie, de liberté et d’aventure impressionnante…
Mais l’aventure même des "Mirauds" se poursuit aussi par la pré-industrialisation de la version 2 du "Sound flyer". « Il est très performant et tient compte des manques dans l’utilisation de la première version. Ces améliorations et de nouvelles fonctions donne encore plus de liberté et d’efficacité au pilotage ! » commente Patrice qui prépare un raid humanitaire en Afrique.
Georges Grard
Retrouvez aussi Patrice Radiguet dans la vidéo de FR3 ci-dessous
« Le travail au sol, c’est-à-dire la préparation du plan de vol (Ndlr : à ce titre l’association produit des cartes en braille), c’est 80% de la réussite du vol ! En vol, seules les informations transmises par le « Sound Flyer » ou le co-pilote sont à prendre en compte. Interdiction de faire confiance à ses sensation car, aveugle ou pas, nous sommes tous sujets à l’illusion sensorielle.» Patrice est intarissable et sa soif de vie, de liberté et d’aventure impressionnante…
Mais l’aventure même des "Mirauds" se poursuit aussi par la pré-industrialisation de la version 2 du "Sound flyer". « Il est très performant et tient compte des manques dans l’utilisation de la première version. Ces améliorations et de nouvelles fonctions donne encore plus de liberté et d’efficacité au pilotage ! » commente Patrice qui prépare un raid humanitaire en Afrique.
Georges Grard
Retrouvez aussi Patrice Radiguet dans la vidéo de FR3 ci-dessous